Après Jonathan (pour Eminem), c'est avec plaisir que nous donnons la parole à un autre de nos lecteurs pour la rubrique Tribune Libre. Cette fois-ci, Andrei nous livre sa critique d'un album qui, malheureusement, n'a pas marché dans les classements mondiaux: nous voulons parler de Flesh Tone, le tout dernier opus de Kelis.
Kelis, avant
Flesh Tone, était, à mes yeux, une femme indépendante, pleine de panache, insolente sur les bords… Fierce, en gros. C’était à l’époque de
Milkshake,
Trick Me,
Bossy. Pour NME, à l’époque de
Tasty,
Kelis était un ovni qui apportait le pendant plus expérimental d’une Beyoncé, aux hanches généreuses, aux chansons efficaces et commerciales…
Kelis n’avait “que” des chansons de qualité, pas de Crazy In Love évident.
En 2010,
Kelis est toujours là, dans l’ombre, ou presque.
Très récemment,
Acapella, chanson d’amour pur avec la jolie métaphore “Before you my whole life was acapella” et d’autres expliquant comment sa vie était insipide avant de connaître l’Amour, s’est fait une place honorable dans le classement britannique. On remarque le contraste entre les paroles très fleur bleue d’Acapella et les métaphores cochonnes de
Milkshake ou le côté impertinent de
Bossy. Que s’est-il donc passé depuis
Kelis Was Here ? Eh bien,
Kelis a eu un enfant, et c’est à mon avis la raison principale pour laquelle les textes de
Flesh Tone sont généralement plus intimistes (pour les fans d’analyses du visuel, remarquez que Kelis montre son coeur à l’arrière du boitier de Flesh Tone et que le fond des pages du livret est principalement un zoom sur un coeur, ce qui rajoute une couche sur l’aveu d’envie de confession de Kelis). Une question persiste : comment expliquer le virage très électronique qu’a pris
Kelis? La réponse que j’ai trouvée est juste basée sur le fait que, d’après le peu que je sais de
Kelis, elle a toujours eu une vision éclectique de la musique et a toujours expérimenté le plus de choses possibles.
Une des qualités majeures de
Flesh Tone est sa fluidité. On distingue deux gros blocs de chansons réliées la plupart du temps par des Segues : le premier est composé d’
Intro,
22nd Century,
4th of July et
Home, le second reprend
Acapella,
Scream,
Emancipate et
Brave. J’hésite à caser
Song For The Baby dans le deuxième bloc, car elle est un peu à part et sert de conclusion à l’album, c’est un peu la partie Remerciements, focalisée sur son bébé, qui lui a inspiré cet album (ce qui semble déjà plus plausible que l’idée que Christina se soit inspirée de son bébé pour écrire Bionic).
Song For The Baby me semble paradoxalement plus faible que la plupart des chansons de l’album, même si elle semble se détacher des deux blocs constitués par l’album. Elle me laisse relativement indifférent, c’est pourquoi je vais passer aux gros morceaux de l’album…
… En commençant par
Intro (qui peut se comprendre aussi bien comme Introduction que comme Introspection, après réflexion). Ce titre est probablement le plus expérimental de l’album, et peut aussi bien plaire que déplaire, à cause de son côté torturé et de la voix de
Kelis, qu’on peut trouver trop poussive.
22nd Century prend place sur le silence comblé par les “We control the dancefloor” de
Kelis, qui donnent le ton de cette chanson a priori faite pour danser, je trouve cependant dommage qu’ils introduisent une des chansons les plus molles de l’album, voire la plus insipide. Peut-être que son problème est d’être coincée entre
Intro et
4th of July (Fireworks), deux titres forts de l’album. 4th of July compare l’amour qu’elle ressent aux feux d’artifices du 4 Juillet, sur une alternance très réussie entre du piano et des sons électroniques. La fin de la chanson introduit l’up-tempo (quasiment) Trance de l’album :
Home. Le titre est accessible même pour ceux qui ont des a priori assez négatifs sur le genre, les couplets sont relativement dansants mais assez calmes, le refrain explose, la chanson a tout d’un hymne. Le premier bloc prend fin sur les 12 coups de minuit.
Acapella reprend le premier bloc en douceur mais lancer danser ceux qui veulent,
Scream lui fait suite. Derrière deux-trois sons un peu cliché (je parle des sons aigus sur les couplets, que j’ai trouvés plutôt beaufesques aux premières écoutes),
Scream est une montagne russe aérienne et calme sur le refrains (qui ont plutôt l’air d’être des couplets) et démente sur les couplets. La montagne russe s’arrête et on entre dans
Emancipate, au refrain fatigants à la longue, mais qui reste clairement en tête (si on n’a pas besoin d’un ORL). Les couplets sont doncs supérieurs au refrain pour des raisons évidentes, mais la chanson atteint son pic dans le middle-8 (si on peut appeler ça un middle-8) très relaxant, aquatique (oui.), mais toujours festif. Brave, une des chansons les plus introspectives de l’album, où
Kelis explique qu’elle est devenue plus forte et ne se laisse plus marcher sur les pieds, met fin à ce deuxième bloc sur des rythmes électroniques vachement efficaces. Le dernier Segue introduit plus ou
Song For The Baby dont j’ai déjà parlé.
Le virage de
Kelis est donc particulièrement réussi et cet album pourra clairement passer en boucle dans les mois à venir, tant il est fluide, sans pour autant manquer de chansons particulièrement fortes comme… toutes les chansons sauf
22nd Century et
Song For The Baby.