Si vous ne connaissez pas encore Clare Maguire, maintenant est le bon moment pour commencer à s'y intéresser, tout simplement parce qu'on prévoit de grandes choses pour elle en 2011. Il faut néanmoins dire que la route est longue devant elle, et qu'il faudra voir sur le long terme si elle devient davantage une Marina & The Diamonds ou une Florence + The Machine (niveau succès public, cela va de soi - elles sont égales en talent). Quoiqu'il en soit, nous on est sur le pied de guerre depuis que Ain't nobody nous avait envouté le cerveau il y a plusieurs mois de ça, avec des effluves délicieusement eighties et une voix qui rappelait celle d'Annie Lennox. Voilà donc l'album, ô combien attendu. Alors: essai transformé ou simple feu de paille? On a envie de vous dire que la réponse était évidente.
Il faut quand même dire que, globalement, les intros ne servent pas à grand chose dans un album et qu'on les zappe 90% du temps. Mais on prend beaucoup de plaisir à écouter celle de Light After Dark (juste en dessous d'une minute en durée), simplement parce que c'est l'introduction parfaite au contenu de l'album: un son sombre et puissant qui débute, et sur lequel une voix toute en nuances vient se poser, d'abord légère, évanescente, presque fantomatique, avant de prendre de plus en plus d'ampleur. On sent qui plus est quelque chose de celtique et de presque religieux dans tout ça, assez somptueux et classe, il faut le dire. Et c'est là le son de Clare Maguire.
L'album commence donc véritablement avec The Shield & The Sword, partant direct sur les chapeaux de roues, happant son auditeur. La batterie est déjà là, les violons aussi, et pourtant on est en train d'écouter un up-tempo. Sur les couplets, plus apaisés, le piano ténébreux se substitue aux violons et calme le jeu, seulement pour mieux s'épanouir sur les ponts, assez majestueux ("And we don't speak" suivi de *petite musique addictive* - on adore). Le vrai point d'orgue est le refrain, évidemment ("YOU have the shield, I take the sword, I nooo longer loooove you, nooo longer looove you") qui rentre en tête aussi facilement qu'une publicité Mercurochrome (comparaison saisissante, jen ai conscience). Celui-ci revient sans même attendre le pont, dès 1:29, sublimé par la musique qui semble s'arrêter en arrière plan et les violons qui éclatent. Impossible aussi de ne pas mentionner le middle 8, qui donne une autre dimension au titre ("NO. LONGER. LOVE-YOU. NO. LON-GER. LOOOOVE-YOU."). Un titre assez royal qu'on verrait sans problème en single.
The Last Dance est un chef d'oeuvre. Voilà, en résumé, ce qu'on peut en dire. Chanson parfaite pour faire découvrir Clare au public, c'est un titre tout en théâtralité, qui commence comme une ballade des années 80, avec des murmures et des chuchotements, et éclate avec un refrain comme on en fait plus beaucoup. Un peu comme un cadeau qu'on ouvrirait, devenant de plus en plus excitant à mesure qu'on se rapproche du but, la musique s'accélère et gagne en instruments plus on se rapproche du refrain. Toujours profonde et intense, la voix de Clare gagne une sorte de rage et de désespoir avant que n'arrive le dit refrain, véritablement magique et à vous foutre des frissons le long de l'échine, comme une sorte de plainte nostalgique. Le pont - "gotta try move on but I promise you ..." - est chanté comme avec les dents serrées, comme si l'émotion était retenue. Autre moment catchy: les "I got my life in my hands and your love in my heart", qui résonnent en boucle en fin de titre - parfaits. Pour résumer, une perle néo-pop-gothique qu'il faut écouter de toute urgence.
Alors que se sont enchainés les titres forts en batterie et en intensité, Freedom revient vers une atmosphère plus douce dès ses premières notes de piano. La voix de la chanteuse n'est est que plus imposante, résonnant, pleine de sous-entendus et de douleur passée. Les paroles, en contraste, parlent de libération. Histoire de ne pas faire dans la dentelle, on vous dit de suite que le refrain est un bijou qu'il vous sera difficile d'oublier, bâti sur le contraste entre une instrumentation toute en vitesse et en force (violons et batterie sont toujours là) et un chant quasi mystique qui en surgit (un peu à la Frozen de Madonna), comme un cri de délivrance (pour rester dans la thématique des paroles). Si le premier refrain vous a déjà chamboulé, attendez donc le second. Empli de force et de faiblesse à la fois, crié presque à pleins poumons, il reste comme un fantôme pour hanter l'album, la voix de tête de Clare (qu'on avait pas encore pu réellement entendre) poussant à son maximum. On a eu du mal à s'en remettre.
Séchez vos larmes, le titre suivant est plus joyeux et nous donne même carrément le sourire (ou envie de danser dans les champs, au choix). I surrender sonne peut-être encore plus eighties que les autres titres de l'album, mais c'est pour ça qu'on l'adore. Thématiquement, on est dans l'histoire d'amour à laquelle on ne s'attend pas, qui nous force à "nous rendre" (surrender) et à se laisser aller. Le rythme éffrêné des couplets casse déjà avec les airs plus langoureux des titres précédents. Ecoutez le synthé arriver sur les ponts, avant un refrain à l'instru que n'aurait pas renié Kylie Minogue (rien à voir dans la voix, ceci dit, sorry Kylie). Evidemment, les violons et le piano sont toujours de la partie, mais ils sont cette fois-ci plus enjoués. De ce titre qui aurait pu devenir kitsch, la chanteuse fait un joli titre assez jouissif. On ne développera pas, ce qui la différencie, c'est évidemment sa voix.
On arrive in medias res dans Bullet, plongés dans une sorte de langueur assez profonde (ces notes graves!!). On pense directement à Annie Lennox dans cette façon de chanter très forte, et c'est un compliment, pas une comparaison niaise. Il y a aussi quelque chose de Sinnead O'Connor avec Nothing compares 2 you, notamment dans les ponts ("And I try not to feel it, and I try not to feel it") qui sont sublimes (et les "you shot me down" en fin de refrain, magiques!). La difficulté, avec cet album, c'est qu'on cherche sans cesse ce qu'aurait pu donner ces chansons chantés par des artistes différents, et force est de constater qu'on a du mal à le faire, parce que ça semble empli de la personnalité complexe de Clare. Bullet aurait pu être un titre de Leona Lewis, par exemple, mais le côté gothique et grave aurait sûrement été évacué. On ne veut pas faire dans l'eulogie complète (i.e., n'en dire que du bien), mais pour l'instant, c'est une vraie claque.
Il y a quelque chose de magique et de nocturne dans le début de Happiest Pretenders, comme le titre phare d'un film fantastique des années 80 (je sais que je ressasse cette thématique, mais c'est vraiment la sensation que j'éprouve). Si le refrain est peut-être un peu moins catchy et original que ceux du reste de l'album (j'ai un peu l'impression d'entendre un "You're electric" plus doux), le titre n'en reste pas moins bon, et donne dans ses paroles une morale douce-amère qu'on approuve. Les couplets, prenants, sont assez fantastiques et créent une sorte d'urgence à laquelle on a envie de répondre, avant un pont qui s'envole (sublime le "WITH THE KINGS AND QUEENS", d'ailleurs). Les 25 dernières secondes sont sûrement notre moment préféré du titre (grâce à ces tintements assez fabuleux), mais on retiendra quand même le middle 8 qui donne une atmosphère un poil plus sombre encore.
Sweet Lie débute lui aussi de façon un peu nocturne, à la façon d'un thriller (notamment avec ces bruits étranges, comme des crissements de pneus ou des hurlements lointains) et parait peut-être un peu plus classique à la première écoute, avec un refrain presque pop/rock qui fait intervenir la guitare électrique (il est fort probable que ce soit un autre instrument, ceci dit). C'est peut-être le seul défaut de l'album: musicalement, si on ne peut reprocher au tout d'être cohérent, il est possible que la recette perde de son efficacité au fil de l'album. Ou bien on est seulement dans le fameux "milieu de l'album", c'est à dire, le passage un poil moins bien, après les gros titres d'introduction et avant les claques de fin d'album. Néanmoins on aime beaucoup ce titre, parce que le "out of sight, out of mind" est tout de même très joli, mais il est presque anecdotique quand on écoute l'album dans son intégralité.
Bam, on est pris à la gorge dès le début de Break these chains, par une sorte de rap, couplet à la diction très hâchée (un léger côté Airplanes, au début, d'ailleurs, non?), avant que l'on ne retrouve les refrains aériens auxquels Clare commence à nous habituer mais qu'on aime toujours autant. La voix est plus grave, plus profonde et déterminée, volontaire, et ses envolées n'en sont qu'encore plus libératrices (logique quand on s'attarde sur les paroles, qui parlent de ... libération - c'est bien, vous suivez). Cette fois-ci, on entend parfois Tracy Chapman dans ces couplets, avec cette voix black et chaude. Gros coup de coeur pour le middle 8, repris en choeur ("So I can be released / Praying on my knees") qui donne envie de taper dans les mains et de se joindre à la chorale.
On connait depuis un petit moment You're electric, et on a envie de dire que c'est sûrement le titre qui contient le plus de joie et le plus gros refrain de l'album. Ne pas y penser comme un futur single serait un trèèès mauvais choix, on vous le dit, management de Clare Maguire. Dès le début, la batterie vient soutenir une instru qui se dispense cette fois du violon. Entre le petit sourire qu'arrache le premier couplet (00:16), comme si la chanteuse nous contait une histoire qui finit bien et le refrain, qu'on ne peut résumer autrement qu'en dire qu'il est explosif ("YOOOOOOOOUUUUU'RRRRRREEEE ELECTRIC!") et qu'il donnerait envie même aux éclopés de se mettre à marcher pour célébrer, on ne sait plus où donner de la tête, parce que, comme un feu d'artifice, ça explose de tous les côtés. A ce point, oui. Si l'instru peut paraitre plutôt sombre, la vraie lumière vient de la voix de Clare, qui sait justement jouer les contrastes, et laisse dans cette chanson passer tout le soleil possible - comme à 2:54, énorme! Un feel-good titre dans toute sa splendeur.
Ain't nobody nous avait foutu une belle claque, avec son clip mystique et désertique, quand on l'avait entendue pour la première fois il y a quelques mois de cela. On a envie de vous dire qu'on a tout de suite su qu'elle était spéciale, mais ça serait faux. En revanche, la voix, directement, est mise en valeur, par cette instrumentation très sombre, qui profite aux envolées lyriques. C'est pour cette raison qu'on a envie de dire que c'était un bon choix de premier single (officieux), parce qu'il présentait parfaitement Clare Maguire : une GROSSE voix, une instru mélodique, une ambiance lourde et forte. Le début des couplets est superbe, avant les montées des refrains, parce qu'on est plongés dans une atmosphère presque enfumée, étrange, mystérieuse, et c'est récurrent chez Clare Maguire - et c'est ce qui fait son charme presque étranger, limite celtique. Avec ce titre, elle avait prévenu : elle était là pour frapper fort - et avec la manière.
Comme son titre l'indique, Light After Dark aborde une thématique un peu sombre, qui se ressent dans ses couplets plus rapides que dans le reste de l'album, et ce piano pressé qui suit la voix de Clare, avant un refrain qui ne fait pas économie d'une batterie énervée. C'est encore une fois tout en fragilité et en puissance, ce qui reste aussi dans la logique du thème, et jouant sur les contrastes, omniprésents dans la musique, entre des couplets rapides et un refrain langoureux, qui tonne "we'll rise then we'll fall" avec, je trouve, beaucoup de poésie. Puisqu'il a donné son nom à l'album, on peut logiquement penser que la chanteuse a trouvé que c'était représentatif, et on valide à 200%. Gros point positif pour 3:00-3:07, qui est simplement la définition de épique. Tout ça sonne comme un hymne à reprendre tous ensemble dans un stade, avec la main sur le coeur.
Le titre qui clôt cet album, avec le violon omniprésent dès l'ouverture, se nomme This is not the end et sonne plus celtique et plus triste que tous les autres. En résumé, un titre final sublime et ô combien judicieux. Cette fois, on est dans le territoire d'Enya, faisant écho à un May it be qui retransmettait parfaitement l'atmosphère étrange de la Terre du Milieu. On est dans cet esprit, avec dans la tête les landes vertes d'Irlande et les lacs paisibles d'Ecosse. Pour la première fois, aucune batterie ne vient interrompre les violons et la voix de Clare Maguire n'en est que plus sublimée. C'est d'une poésie et d'une pureté assez rare et les mots manquent pour décrire avec efficacité la simplicité et la beauté du titre. On a plus qu'à poser un genou à terre et à tirer notre révérence, face à une nouvelle reine, on espère. Le titre a d'ailleurs quelque chose de royal et d'ancien, dans ce qu'il transporte comme émotion. Applaudissements, le rideau se ferme, on a encore la larme qui coule le long de la joue. Fiou.
Ce premier album de Clare Maguire est un album comme on a peu de chance d'en entendre d'autre cette année. Jouant sur les contrastes ("Light after dark" - la lumière après les ténèbres), tour à tour profond et léger, aérien et terrestre, ancien et nouveau, chancelant et assuré, sombre et positif, fragile et majestueux, comme ces menhirs qui restent dans les plaines armoricaines (nous ne citons pas Manau, non). C'est tout simplement un écrin d'exception pour le joyau qu'est, il faut le dire très clairement et le répéter un million de fois s'il le faut, la voix de Clare Maguire. C'est une future grande artiste, si tant est que le public daigne porter une oreille sur cet album assez fabuleux, qui a le mérite de conjuguer vrai plaisir musical et émotion. On est sans cesse balloté, pris dans le feu de chansons fortes et désespérées comme des cris de guerre avant un combat que l'on saurait perdu d'avance, le tout avec une finesse rare. Tout simplement l'un des meilleurs albums de 2010, et l'on a même pas besoin d'avoir entendu le reste. Si le ton presque totalement dithyrambique de cette critique vous étonne et vous fait vous demander si l'on est pas tombés dans la fan-attitude totale, un conseil: écoutez l'album, attentivement, avec un casque sur les oreilles, allongé dans votre lit, un soir calme. Vous serez vous aussi frappés par son sortilège.
Clare Maguire • Light After Dark
(on a juste pas mis 5/5 par principe)
3 commentaires:
Bravo pour la review ^^
Je suis comme vous j'ai adorer cette album complètement envoutant qui vous transporte dans son univers glacial et sombre ou elle nous réchauffe avec sa voix rauque et puissante. J'ai adorer tout les titres et je trouve qu'il n'y a rien à jeter. Il est certain qu'on va entendre parler d'elle.
J'ai aussi écouter l'album aujourd'hui, au calme. J'suis globalement d'accord avec la critique, mais j'aimerais y ajouter un petit bémol.
Cet album, chef d'oeuvre s'il en est, présente un mélange beaucoup beaucoup trop homogène. Du début jusqu’à la fin, on retrouve une mélodie au piano, les synthés et les violons qui semblent un poil redondant. Et ça m'a un peu dérangé cette linéarité, un peu plus de diversité autant mélodique que instrumentale aurait fait de lui un album quasi parfait.
'Puis bon, ça déçois quand on compare son album a celui Florence & the machine, a qui elle a été beaucoup comparé, qui lui fait preuve de génie créatif tout du long.
J'étais déjà déterminé à aller écouter l'album, mais cette revue me précipite ! J'y vais de ce pas...
Merci Hall-Musique :)
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